Remarques d'ouverture - Joe Friday - Examen législatif - Deuxième comparution

Comité permanent des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires (OGGO)

 

Jeudi le 23 mars 2017, 8h 45

Merci, monsieur le président, de m’avoir invité à comparaître une fois de plus pour discuter de l’examen de la Loi. C’est avec plaisir que je suis ici ce matin pour continuer la discussion que nous avons commencé le mois passé concernant cette importante initiative législative.

Je suis très heureux d’avoir déposé, lors de ma comparution du 14 février, 16 propositions concrètes touchant des changements positifs et progressifs afin d’améliorer le régime de dénonciation de la fonction publique fédérale du Canada.

Depuis ma dernière comparution devant le Comité, monsieur le président, le Commissariat a déposé devant le Parlement deux rapports sur des cas fondés d’actes répréhensibles. De plus, nous avons publié un document de recherche et de discussion sur la crainte de représailles, rédigé par M. Craig Dowden, dont les membres du Comité ont reçu des copies cette semaine, selon ce que je crois comprendre. C’est la première fois que le Commissariat produit un document de ce type, et c’est une contribution importante à la discussion en cours sur la dénonciation au Canada. J’ai parlé du besoin pour un changement de culture pendant ma comparution le mois dernier et je remarque que plusieurs témoins ont depuis souligné cette même importante question. Ce document de recherche traite de cette question, et comprends des recommandations qui soutiennent un processus continue pour un tel changement de culture.

Un des buts que je vise en tant que commissaire, comme je vous l’ai dit la dernière fois que j’étais ici, est de normaliser la dénonciation, et je crois que les activités que nous avons menées le mois dernier constituent des progrès importants vers la réalisation de ce but.

J’ai suivi les délibérations du Comité, depuis ma comparution le mois dernier, et je suis encouragé par l’intérêt manifesté par tant de témoins en vue de faire de réels progrès importants en ce qui concerne le régime de dénonciation. Même si je ne partage pas l’avis que le régime est un échec et que la Loi doit être remaniée, je peux dire que je soutiens ce que je considère comme un désir collectif d’appuyer un régime de dénonciation efficace et une protection significative contre les représailles.

Je souligne également les discussions approfondies et ciblées à propos du processus pour aborder les représailles et le fait qu’il peut être intimidant, et même décourageant, pour une personne d’avoir à attendre qu’une enquête soit menée par le Commissariat, pour ensuite devoir se prêter à une audience officielle devant le Tribunal – un processus semblable à un procès – pour obtenir un jugement final.  

Cela m’amène à un point très important, que je n’ai pas eu la chance d’aborder pleinement le mois dernier, soit notre pouvoir de régler les dossiers de représailles et de recourir à la conciliation à cette fin. Jusqu’à maintenant, nous avons réussi la conciliation dans neuf dossiers, ce qui a abouti à un règlement auquel le plaignant a participé et qu’il a accepté de plein gré. Dans cinq autres dossiers, le Tribunal a eu recours à la médiation pour régler l’affaire. 

Monsieur le président, j’ai beaucoup d’expérience des modes substitutifs de règlement des différends. Au cours de ma carrière dans le domaine juridique, mon premier emploi était celui d’avocat plaidant dans un cabinet privé; mon dernier emploi, au ministère de la Justice, consistait à diriger le programme relatif au mode substitutif de règlement des différends. Je crois que vous pouvez constater où résident mes intérêts et mes croyances quant à l’accès des gens à la justice : dans la participation significative à la résolution de leurs propres différends et, dans la mesure du possible, dans l’évitement des litiges inutiles et des coûts élevés connexes. Oui, tout dossier pour lequel le Commissariat a mené une conciliation avec succès se traduit par un dossier de moins devant le Tribunal, une décision publique de moins sur un cas de représailles et un précédent de moins dans les ouvrages de droit – mais cela veut aussi dire qu’une victime de représailles de plus est en mesure d’obtenir réparation pour ce qu’elle a vécu, d’économiser du temps et de l’argent, de s’éviter des bouleversements sur le plan émotionnel et de passer à autre chose. Monsieur le président, ce n’est pas un échec du régime de protection contre les représailles que j’applique en vertu de la Loi. Et je devrais ajouter que chaque plainte ayant fait l’objet d’une conciliation est passée en revue par le Commissariat et officiellement approuvée par moi-même, avant que le dossier ne soit fermé. Nous maintenons donc le contrôle des dossiers pour nous assurer que personne n’est contraint d’accepter un règlement ou de prendre une décision non éclairée ou involontaire en ce sens.

J’avais prévu clore ici mon intervention ce matin, mais étant donné les témoignages que vous avez entendus plus tôt cette semaine, je crois qu’il est important que j’apporte quelques précisions pour mettre en lumière certaines des questions qui tombent déjà sous la portée de la Loi. J’espère que le tout mettra en contexte certaines de mes propositions de modifications législatives.

Pour commencer, je reconnais que la Loi est complexe et qu’elle est rédigée d’une manière qui la rend difficile à naviguer et à comprendre, croyez-en mon expérience personnelle. Je veux aborder trois questions que je pense pertinentes au vu des délibérations du Comité jusqu’à maintenant. Ces questions concernent la portée et l’efficacité des protections et des mécanismes de recours qui s’offrent aux lanceurs d’alertes et aux autres parties mises en cause dans nos activités.

Premièrement, par exemple, la Loi n’interdit pas aux parties mises en cause dans une divulgation ou des représailles de demander le contrôle judiciaire d’une décision de mon Commissariat par la Cour fédérale; de fait, elle prévoit explicitement cette possibilité. Mes décisions, comme celles de tout autre organisme administratif décisionnel, sont susceptibles de contrôle judiciaire, et les tribunaux disposent de pouvoirs considérables en vertu de la Loi sur les Cours fédérales. En outre, rien dans la Loi n’empêche un fonctionnaire d’exercer tout autre recours qu’il pourrait avoir dans sa situation.

Deuxièmement, la Loi protège explicitement les entrepreneurs faisant affaire avec le gouvernement fédéral qui signalent des gestes répréhensibles contre la résiliation de leur contrat ou le non‑versement de leur paiement. Essentiellement, ils sont protégés s’ils décident de lancer l’alerte. De plus, les gestes posés par l’entrepreneur ne peuvent pas être pris en considération dans la décision de lui accorder des contrats subséquents. Parallèlement, si une personne employée par le secteur privé fournit au Commissariat des renseignements sur des gestes répréhensibles, la prise de représailles à son endroit par l’employeur constituerait une infraction criminelle. Les entrepreneurs et leurs employés peuvent aussi avoir recours aux tribunaux pour obtenir réparation le cas échéant.

Troisièmement, l’article 51 de la Loi donne à l’administrateur général le pouvoir d’assigner temporairement d’autres attributions à un fonctionnaire mis en cause dans une divulgation ou une plainte relative à des représailles, au sein du même ministère ou d’un autre ministère, avec le consentement du lanceur d’alerte ou le plaignant concerné.

Comité souhaiterait peut-être de renforcer ces dispositions, et je serai heureux d’en discuter avec vous ce matin ou au cours des prochaines semaines, mais je tenais à corriger ce qui me paraît être une perception erronée selon laquelle ces questions cruciales ne sont pas abordées dans la Loi.

En terminant, je souhaite réaffirmer mon appui ferme aux 16 propositions de modifications législatives que je vous ai présentées le 14 février, et j’espère que les membres du Comité pourront les soutenir à la fin du présent processus d’examen. Je me réjouis, Monsieur le président, d’avoir l’occasion de discuter avec vous aujourd’hui.