Rapport sur le cas - Administration de pilotage des Laurentides (octobre 2012)

Conclusions du commissaire à l’intégrité du secteur public dans le cadre d’une enquête concernant des divulgations d’actes répréhensibles

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ISBN: 978-1-100-99864-0


Table des matières


Lettres

L’Honorable Noël A. Kinsella
Président du Sénat
Le Sénat
Ottawa (Ontario)  K1A 0A4


Monsieur le Président,

J’ai l’honneur de vous présenter le Rapport sur le cas concernant les conclusions dans le cadre d’une enquête concernant la divulgation d’actes répréhensibles du Commissariat à l’intégrité du secteur public du Canada, rapport qui doit être déposé au Sénat conformément aux dispositions du paragraphe 38 (3.3) de la Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d’actes répréhensibles.

Le rapport fait état des conclusions concernant les actes répréhensibles et des recommandations faites au président du conseil d’administration de l’Administration de pilotage des Laurentides.

Je vous prie d’accepter, Monsieur le Président, mes salutations distinguées.

(La version originale a été signée par)

Mario Dion
Commissaire à l’intégrité du secteur public
Ottawa, octobre 2012

 

L’Honorable Andrew Scheer, député
Président de la Chambre des communes
Chambre des communes
Ottawa (Ontario)  K1A 0A6


Monsieur le Président,

J’ai l’honneur de vous présenter le Rapport sur le cas concernant les conclusions dans le cadre d’une enquête concernant la divulgation d’actes répréhensibles du Commissariat à l’intégrité du secteur public du Canada, rapport qui doit être déposé à la Chambre des communes conformément aux dispositions du paragraphe 38 (3.3) de la Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d’actes répréhensibles.

Le rapport fait état des conclusions concernant les actes répréhensibles et des recommandations faites au président du conseil d’administration de l’Administration de pilotage des Laurentides.

Je vous prie d’accepter, Monsieur le Président, mes salutations distinguées.

(La version originale a été signée par)

Mario Dion
Commissaire à l’intégrité du secteur public
Ottawa, octobre 2012


Avant propos

Je vous présente le deuxième rapport du Commissariat à l’intégrité du secteur public (le Commissariat) sur des actes répréhensibles avérés, rapport qui est déposé devant le Parlement conformément à la Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d’actes répréhensibles (la Loi).

La Loi a été adoptée pour offrir un mécanisme de dénonciation confidentiel dans le secteur public afin de prévenir et de sanctionner les cas d’actes répréhensibles. Le régime de divulgation établi par la Loi a pour but non seulement de faire cesser ces actes et de prendre des mesures correctives, mais aussi d’avoir un effet dissuasif. La Loi exige que les cas d’actes répréhensibles avérés fassent l’objet d’un rapport au Parlement, ce qui constitue un puissant outil de transparence et de responsabilité à l’égard du public.

Les actes répréhensibles avérés qui sont décrits dans ce deuxième rapport sur le cas sont un bon exemple des divers types de cas que le Commissariat peut être appelé à traiter. Cet éventail de cas découle principalement de la définition large donnée au terme « acte répréhensible » dans la Loi et de la diversité du secteur public à l’égard duquel le Commissariat a compétence.

Le présent rapport fait état de la conduite de deux cadres supérieurs qui ont, de leurs propres aveux, contrevenu à un règlement afin de réaliser les objectifs d’une loi.

Le rapport confirme aussi que la contravention d’une loi fédérale ou d’un règlement pris sous le régime d’une telle loi constitue un acte répréhensible. Le respect de la loi est un devoir fondamental pour tous les fonctionnaires, et tout manquement à ce devoir doit être rapporté et sanctionné. Cette approche encourage les fonctionnaires à respecter la loi et les dissuade de la contrevenir.

Cette conclusion démontre la volonté du Commissariat à défendre l’intérêt public en rapportant chaque acte répréhensible dont il a connaissance, et ce, peu importe l’ampleur de la conduite en cause, le contexte de la contravention ou les conséquences de l’acte répréhensible.

Mario Dion
Commissaire à l’intégrité du secteur public

Mandat

Le Commissariat à l’intégrité du secteur public du Canada est un organisme indépendant créé en 2007 pour établir un mécanisme sécuritaire et confidentiel permettant aux fonctionnaires ou aux citoyens de divulguer des actes répréhensibles commis dans le secteur public, ou liés à celui-ci. En particulier, le Commissariat a le mandat d’enquêter sur les allégations d’actes répréhensibles et les plaintes en matière de représailles dans le secteur public.

L’article 8 de la Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d’actes répréhensibles, L.C. 2005, ch. 46 (la Loi), définit l’acte répréhensible comme étant :

(a) la contravention d’une loi fédérale ou provinciale ou d’un règlement pris sous leur régime, à l’exception de la contravention de l’article 19 de la présente loi;

(b) l’usage abusif des fonds ou des biens publics;

(c) les cas graves de mauvaise gestion dans le secteur public;

(d) le fait de causer – par action ou omission – un risque grave et précis pour la vie, la santé ou la sécurité humaine ou pour l’environnement, à l’exception du risque inhérent à l’exercice des attributions d’un fonctionnaire;

(e) la contravention grave d’un code de conduite établi en vertu des articles 5 ou 6;

(f) le fait de sciemment ordonner ou conseiller à une personne de commettre l’un des actes répréhensibles visés aux alinéas a) à e).

Les enquêtes concernant la divulgation d’actes répréhensibles sont effectuées dans le but d’attirer l’attention de l’administrateur général de l’organisation sur les conclusions qui en découlent et de faire des recommandations afin que des mesures correctives soient prises.

Aux termes du paragraphe 38 (3.3) de la Loi, le commissaire doit présenter un rapport au Parlement des cas d’actes répréhensibles avérés dans les soixante jours après la conclusion de son enquête. Ce présent Rapport sur le cas traite d’une telle enquête et des conclusions découlant des divulgations d’actes répréhensibles déposées au Commissariat.

Les divulgations

En avril 2011, le Commissariat a reçu deux divulgations d’actes répréhensibles portées contre deux cadres supérieurs de l’Administration de pilotage des Laurentides (l’APL). Les divulgateurs ont allégué que les cadres supérieurs avaient commis des actes répréhensibles au sens des alinéas 8a), c), d) et f) de la Loi, c’est à dire la contravention d’une loi fédérale ou provinciale ou d’un règlement pris sous leur régime; un cas grave de mauvaise gestion dans le secteur public; le fait de causer – par action ou omission – un risque grave et précis pour la vie, la santé ou la sécurité humaine ou pour l’environnement; et le fait de sciemment ordonner ou conseiller à une personne de commettre l’un des actes répréhensibles visés aux alinéas a) à e) de l’article 8 de la Loi.

En mars 2011, l’APL a offert un poste à un apprenti pilote qui a par la suite reçu le permis de classe D applicable, tel que prescrit à l’article 26.1 du Règlement de l’Administration de pilotage des Laurentides (le Règlement). En juillet 2011, les divulgateurs ont communiqué avec le Commissariat pour indiquer qu’en juin 2011, l’APL avait offert un poste et émis un permis de classe D à un deuxième apprenti pilote. L’article 26.1 du Règlement décrit les critères nécessaires afin qu’un candidat puisse obtenir un permis de classe D pour la circonscription no 1-1 (port de Montréal):

26.1 Le candidat à un permis d’apprenti pilote de classe D pour la circonscription no 1-1 doit :

a) réussir le test linguistique tenu par l’Administration démontrant qu’il est en mesure d’exercer efficacement en anglais et en français les fonctions d’un apprenti pilote;

b) subir un examen médical dans les 90 jours précédant la date de délivrance du permis d’apprenti pilote de classe D et satisfaire aux conditions relatives à la santé prévues par le Règlement général sur le pilotage;

c) être titulaire d’un certificat de compétence non inférieur à celui de capitaine, voyage local, délivré en vertu de la Loi sur la marine marchande du Canada ou à celui de capitaine, à proximité du littoral;

d) avoir servi à titre de capitaine d’un navire d’une longueur de plus de 70 m ou d’une jauge brute de plus de 2 000 tonneaux durant au moins 18 mois au cours des 60 mois qui précèdent la date de la demande;

e) avoir navigué dans les glaces;

f) obtenir la note minimale de 70 % au test écrit donné par le jury d’examen sur ses connaissances générales de la navigation à proximité du littoral, y compris sur ses connaissances de la manœuvre des navires, des instruments de navigation, de l’usage des cartes marines, de la météorologie et de la navigation dans les glaces sur le fleuve Saint-Laurent.

Selon les divulgateurs, les deux apprentis pilotes ne rencontraient pas tous les critères fixés par la réglementation. Plus précisément, ils alléguaient que les apprentis pilotes ne rencontraient pas les exigences prévues aux alinéas d) et f) de l’article 26.1 du Règlement.

Le Commissariat a analysé soigneusement les renseignements fournis par les divulgateurs d’avril à juillet 2011. Le 4 août 2011, le Commissariat a initié une enquête – menée par Jenny Lee Harrison – afin de déterminer si les cadres supérieurs avaient commis des actes répréhensibles au sens des alinéas 8a), c), d) et f) de la Loi lorsqu’ils ont émis des permis de classe D à deux apprentis pilotes qui, selon les divulgateurs, ne rencontraient pas les exigences réglementaires.

Résultats de l’enquête

L’APL est une société d’État au sens de la Loi sur la gestion des finances publiques. Elle a été constituée le 1er février 1972, en vertu de la Loi sur le pilotage, qui définit de la manière suivante la mission d’une « Administration » :

18. Une Administration a pour mission de mettre sur pied, de faire fonctionner, d’entretenir et de gérer, pour la sécurité de la navigation, un service de pilotage efficace dans la région décrite à l’annexe au regard de cette Administration.

Plus spécifiquement, l’APL a pour mission :

  • de faire fonctionner, d’entretenir et de gérer, pour la sécurité de la navigation, un service de pilotage efficace dans les eaux canadiennes de la région des Laurentides;
  • de maintenir les tarifs des droits de pilotage à un niveau équitable et raisonnable qui tient compte du fait que l’Administration doit tirer un revenu qui, avec les revenus provenant d’autres sources, doit lui permettre le financement autonome de ses opérations.

L’enquête a démontré que :

  • Les cadres supérieurs, de leurs propres aveux, ont contrevenu au Règlement lorsqu’ils ont émis des permis de classe D à deux apprentis pilotes (le premier en mars 2011 et le deuxième en juin 2011) qui ne rencontraient pas les exigences prévues à l’article 26.1 du Règlement.
  • Plus précisément, le premier apprenti pilote ne rencontrait pas les exigences prévues aux alinéas 26.1d) et f) du Règlement, alors que le deuxième ne rencontrait pas l’exigence prévue à l’alinéa 26.1d).
  • Les deux cadres supérieurs ont affirmé qu’ils avaient dû émettre les permis de classe D afin de réaliser la mission de l’APL, qui est définie à l’article 18 de la Loi sur le pilotage.
  • Dans un contexte de pénurie de main d’œuvre dans le secteur maritime, les auteurs des actes répréhensibles ont géré le risque en cherchantà réaliser la mission de l’APL et à fournir les services aux clients, tout en s’assurant de ne pas compromettre la sécurité de la navigation.
  • Suite à des tentatives de recrutement sans succès, l’APL a évalué les deux candidats en cause et a conclu que le manque de conformité avec le Règlement était marginal. L’APL a conclu que les deux candidats étaient compétents et a décidé d’émettre les permis d’apprenti pilote tout en sachant que les apprentis ne seraient pas chargés de piloter des navires avant d’avoir reçu de la formation donnée par les pilotes de l’APL. De plus, après leur période d’apprentissage, un jury d’examen attesterait de leurs compétences avant de leur émettre un brevet de pilote. L’APL a confirmé au Commissariat que depuis septembre 2011, les deux apprentis ne sont plus employés de l’organisation.
  • Les autres allégations d’acte répréhensible, c’est à dire un cas grave de mauvaise gestion dans le secteur public; le fait de causer – par action ou omission – un risque grave et précis pour la vie, la santé ou la sécurité humaine ou pour l’environnement; et le fait de sciemment ordonner ou conseiller à une personne de commettre un acte répréhensible, ne sont pas fondées.

Aperçu de l’enquête

Un enquêteur du Commissariat a rencontré les deux divulgateurs, deux témoins, des représentants du Groupe sécurité et sûreté de Transports Canada, ainsi que les deux cadres supérieurs en cause. Le mandat de l’enquête était de déterminer si les cadres supérieurs avaient commis des actes répréhensibles au sens des alinéas 8a), c), d) ou f) de la Loi lorsqu’ils ont émis des permis de classe D à deux apprentis pilotes qui, prétendument, ne rencontraient pas les exigences fixées par le Règlement.

Pendant l’enquête, le Commissariat a reçu une troisième divulgation au sujet de l’APL qui soulevait une allégation d’acte répréhensible au sens de l’alinéa 8a) de la Loi. Comme cette troisième allégation était identique à celles qui sont en cause en l’espèce, elle n’a pas fait l’objet d’une deuxième enquête.

Conformément aux obligations que lui impose la Loi, le Commissariat a envoyé aux auteurs présumés d’actes répréhensibles et au président du conseil d’administration de l’APL une lettre de conclusions préliminaires et leur a donné l’occasion d’y répondre. Le Commissariat n’a reçu aucun commentaire à cet égard.

Pour arriver à ma conclusion, j’ai soupesé chacun des renseignements et des éléments de preuve qui ont été obtenus pendant l’enquête.

Conclusion

Les deux cadres supérieurs, de leurs propres aveux, ont contrevenu au Règlement et ont donc commis un acte répréhensible au sens de l’alinéa 8a) de la Loi lorsqu’ils ont émis des permis de classe D à deux candidats qui ne rencontraient pas les exigences réglementaires.

J’ai transmis une recommandation au président du conseil d’administration de l’APL pour prévenir de tels actes répréhensibles à l’avenir. Je n’ai reçu aucune réponse du président à ma recommandation.

Recommandation

Nous recommandons à l’APL d’analyser :

  • sa mission et les objectifs énoncés à la Loi sur le pilotage;
  • le Règlement de l’Administration de pilotage des Laurentides;
  • l’offre et la demande en ce qui concerne les pilotes détenant un certificat.

Les résultats de cette analyse devraient permettre à l’APL de prendre les mesures indiquées et nécessaires pour remplir la mission que lui confie la Loi sur le pilotage.