Rapport sur le cas - Tribunal canadien des droits de la personne (avril 2013)
Conclusions du commissaire à l’intégrité du secteur public dans le cadre d’une enquête concernant une divulgation d’actes répréhensibles
Le masculin générique a été adopté dans le présent rapport pour protéger l’identité des individus en question.
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ISBN : 978-0-660-20771-1
Table des matières
- Lettres
- Avant-propos
- Mandat
- La divulgation
- Résultats de l'enquête
- Aperçu de l'enquête
- Résumé des conclusions
- Cas grave de mauvaise gestion
- Conclusion
- Recommandation du commissaire et réponse du TCDP
Lettres
L’honorable Noël A. Kinsella
Président du Sénat
Le Sénat
Ottawa (Ontario) K1A 0A4
Monsieur le Président,
J’ai l’honneur de vous présenter le Rapport sur le cas concernant les conclusions d’une enquête du Commissariat à l’intégrité du secteur public du Canada à la suite d’une divulgation d’actes répréhensibles à l’encontre du Tribunal canadien des droits de la personne, rapport qui doit être déposé au Sénat conformément aux dispositions du paragraphe 38 (3.3) de la Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d’actes répréhensibles.
Le rapport fait état des conclusions concernant les actes répréhensibles, de ma recommandation faite à l’administrateur général, de mon avis quant au caractère satisfaisant ou non de la réponse de l’administrateur général relativement à la recommandation et des commentaires écrits de ce dernier.
Je vous prie d’accepter, Monsieur le Président, mes salutations distinguées.
(La version originale a été signée par)
Mario Dion
Commissaire à l’intégrité du secteur public
Ottawa, avril 2013
L’honorable Andrew Scheer, député
Président de la Chambre des communes
Chambre des communes
Ottawa (Ontario) K1A 0A6
Monsieur le Président,
J’ai l’honneur de vous présenter le Rapport sur le cas concernant les conclusions d’une enquête du Commissariat à l’intégrité du secteur public du Canada à la suite d’une divulgation d’actes répréhensibles à l’encontre du Tribunal canadien des droits de la personne, rapport qui doit être déposé à la Chambre des communes conformément aux dispositions du paragraphe 38 (3.3) de la Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d’actes répréhensibles.
Le rapport fait état des conclusions concernant les actes répréhensibles, de ma recommandation faite à l’administrateur général, de mon avis quant au caractère satisfaisant ou non de la réponse de l’administrateur général relativement à la recommandation et des commentaires écrits de ce dernier.
Je vous prie d’accepter, Monsieur le Président, mes salutations distinguées.
(La version originale a été signée par)
Mario Dion
Commissaire à l’intégrité du secteur public
Ottawa, avril 2013
Avant-propos
J’ai l’honneur de vous présenter le rapport sur le cas concernant des actes répréhensibles avérés, rapport qui a été déposé devant le Parlement conformément à la Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d’actes répréhensibles (la Loi).
La Loi a été adoptée pour offrir un mécanisme de dénonciation confidentiel dans le secteur public afin de prévenir et de sanctionner les cas d’actes répréhensibles. Le régime de divulgation établi par la Loi a pour but, non seulement de faire cesser ces actes et de prendre des mesures correctives, mais aussi d’avoir un effet dissuasif dans l’ensemble du secteur public fédéral. C’est la raison pour laquelle la Loi exige que les cas d’actes répréhensibles avérés fassent l’objet d’un rapport au Parlement, ce qui constitue un puissant outil de transparence et de responsabilité à l’égard du public.
Les Canadiens et les Canadiennes s’attendent à ce que je fasse preuve, à titre de commissaire, de la plus grande objectivité et d’une honnêteté sans tache. Lorsque ce cas a été pour la première fois porté à la connaissance du Commissariat, j’ai décidé de me récuser en tant que décideur en raison de l’apparence d’un possible conflit d’intérêt, étant donné que j’avais déjà eu des interactions professionnelles avec l’auteure présumée d’actes répréhensibles. Par conséquent, c’est M. Joe Friday, sous-commissaire, qui a assumé les fonctions de décideur dans ce cas, du moment où il a été décidé de lancer une enquête jusqu’au moment où il a été conclu que des actes répréhensibles avaient été commis, comme cela est précisé dans le présent rapport.
Dans le présent rapport sur le cas, j’ai identifié Mme Shirish P. Chotalia, c.r., ancienne présidente du Tribunal canadien des droits de la personne, comme étant la personne ayant commis les actes répréhensibles. Il s’agit du premier rapport sur le cas dans lequel j’ai nommé la personne responsable relativement aux actes répréhensibles. J’ai agi ainsi parce que les allégations concernent la conduite et le comportement de la personne alors qu’elle assumait les fonctions de présidente. En outre, le nom de la présidente du Tribunal canadien des droits de la personne est un renseignement auquel le public a accès.
J’aimerais saluer le courage de ceux qui ont décidé de communiquer avec le Commissariat afin de divulguer des actes répréhensibles, ainsi que des témoins et des cadres de direction au Tribunal canadien des droits de la personne, qui ont été des personnes clés à l’égard de l’enquête. Tous les employés du secteur public, quel que soit leur poste ou leur rang au sein de leur organisation, méritent d’être traités avec respect et d’avoir des supérieurs qui font preuve d’intégrité à leur égard.
Mario Dion
Commissaire à l’intégrité du secteur public
Mandat
Le Commissariat à l’intégrité du secteur public du Canada est un organisme indépendant créé en 2007 pour établir un mécanisme sécuritaire et confidentiel permettant aux fonctionnaires ou aux citoyens de divulguer des actes répréhensibles commis dans le secteur public ou liés à celui-ci. Plus précisément, le Commissariat a pour rôle d’enquêter sur les allégations d’actes répréhensibles et les plaintes en matière de représailles dans le secteur public.
L’article 8 de la Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d’actes répréhensibles, L.C. 2005, ch. 46 (la Loi), définit l’acte répréhensible de la manière suivante :
a) la contravention d’une loi fédérale ou provinciale ou d’un règlement pris sous leur régime, à l’exception de la contravention de l’article 19 de la présente loi;
b) l’usage abusif des fonds ou des biens publics;
c) les cas graves de mauvaise gestion dans le secteur public;
d) le fait de causer – par action ou omission – un risque grave et précis pour la vie, la santé ou la sécurité humaine ou pour l’environnement, à l’exception du risque inhérent à l’exercice des attributions d’un fonctionnaire;
e) la contravention grave d’un code de conduite établi en vertu des articles 5 ou 6;
f) le fait de sciemment ordonner ou conseiller à une personne de commettre l’un des actes répréhensibles visés aux alinéas a) à e).
Selon la Loi, l’objet des enquêtes concernant les divulgations d’actes répréhensibles vise à attirer l’attention de l’administrateur général de l’organisme sur les conclusions qui en découlent et de faire des recommandations afin que des mesures correctives soient prises.
En application du paragraphe 38(3.3) de la Loi, le commissaire doit faire rapport au Parlement des cas d’actes répréhensibles avérés dans les soixante jours suivant la conclusion de son enquête. Le présent Rapport sur le cas traite de l’enquête et des conclusions concernant la divulgation d’actes répréhensibles faite au Commissariat.
La divulgation
Le 4 mai 2011, le Commissariat a reçu une divulgation protégée d’actes répréhensibles visant Mme Shirish P. Chotalia, c.r., présidente du Tribunal canadien des droits de la personne (le TCDP).
Le 2 novembre 2009, Mme Chotalia a été nommée présidente du TCDP. Avant sa nomination, Mme Chotalia a exercé comme avocate dans le domaine de l’immigration, des droits de la personne et de la gestion des conflits de travail. Elle a été commissaire auprès de l’Alberta Human Rights Commission (Commission des droits de la personne de l’Alberta) de 1989 à 1993, membre du TCDP de 1999 à 2005 et a été élue conseillère de la Law Society of Alberta (barreau de l’Alberta) en 2008, poste qu’elle a occupé jusqu’au moment de sa nomination au TCDP.
Le TCDP a le mandat conféré par la loi d’appliquer la Loi canadienne sur les droits de la personne. Créé par le Parlement en 1977, le TCDP est la seule entité qui peut trancher légalement la question de savoir si une personne ou un organisme a commis un acte discriminatoire aux termes de la loi.
Il a été allégué par le divulgateur1 que Mme Chotalia avait créé un milieu de travail dysfonctionnel pour les employés et pour les membres du TCDP et qu’elle avait mis en péril la capacité du TCDP d’accomplir son mandat. Il a été allégué que Mme Chotalia avait fait preuve de harcèlement et d’abus à l’égard du personnel et des membres du TCDP par un comportement intimidant et abusif ainsi que par des remarques désobligeantes, et qu’elle ne tenait pas compte des conseils formulés par le personnel ou par les services des ressources humaines partagés (SPRH) du TCDP.
En outre, il a été allégué par le divulgateur que Mme Chotalia avait commis des irrégularités dans au plus quatre processus de dotation en personnel au TCDP, contrevenant ainsi à la Loi sur l’emploi dans la fonction publique.
Enfin, il a été allégué par le divulgateur que Mme Chotalia n’avait pas suivi les politiques relatives à la sécurité de la gestion de l’information du gouvernement, plus précisément la Norme opérationnelle de sécurité : Gestion de la sécurité des technologies de l’information.
Par conséquent, il a été allégué que la conduite de Mme Chotalia, telle qu’elle est décrite ci dessus, constituait des actes répréhensibles selon les alinéas 8a) et c) de la Loi : la contravention d’une loi fédérale ou d’un règlement pris sous son régime et un cas grave de mauvaise gestion.
Dès réception de la divulgation, et afin de garantir l’intégrité et l’impartialité de toute décision prise dans ce cas, je me suis récusé et j’ai délégué les pouvoirs de décision au sous commissaire, M. Joe Friday, étant donné que j’avais déjà eu des interactions professionnelles avec Mme Chotalia.
Après une analyse détaillée des renseignements fournis, le sous commissaire a lancé une enquête pour déterminer si Mme Chotalia avait commis des actes répréhensibles selon les alinéas 8a) et c) de la Loi, qui consistaient en :
- un cas grave de mauvaise gestion de son organisation, par le fait qu’elle avait fait preuve d’abus et de harcèlement à l’égard de son personnel, qu’elle n’avait pas tenu compte des conseils formulés par son personnel et le SPRH et qu’elle n’avait pas suivi les politiques en matière de technologies de l’information (TI), notamment en intervenant dans une enquête menée par la police concernant un incident de piratage;
- une contravention à la Loi sur l’emploi dans la fonction publique dans les quatre processus de dotation en personnel.
1Afin d’alléger le texte, le terme « divulgateur » est employé au singulier. Il se peut que plus d’une personne ait fait la divulgation.
Résultats de l'enquête
L’enquête a démontré ce qui suit :
- un cas grave de mauvaise gestion dans le secteur public de la part de Mme Chotalia, qui :
- a fait preuve de harcèlement et d’abus à l’égard de son personnel et des membres du TCDP par un comportement intimidant et agressif et par des remarques désobligeantes;
- n’a pas tenu compte de conseils formulés par son personnel et par les SPRH du TCDP;
- a créé un environnement de travail dysfonctionnel pour les employés et les membres du TCDP, environnement qui a possiblement mis en péril la capacité du TCDP à accomplir son mandat.
- les allégations selon lesquelles Mme Chotalia ne s’est pas conformée aux politiques du gouvernement en matière de sécurité et de TI et est intervenue dans une enquête menée par la police concernant un incident de piratage n’ont pas été étayées.
- l’enquête concernant les allégations selon lesquelles Mme Chotalia a agi en contravention de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique dans la nomination de ses employés en contournant les principes d’équité et, dans le cas d’une nomination, le profil linguistique lié au poste, n’a pas été poursuivie en application de l’alinéa 24(1)a) de la Loi avant que des conclusions ne soient tirées, parce que les faits visés par ces allégations font actuellement l’objet d’une enquête menée par la Commission de la fonction publique et relèvent du mandat de cette dernière.
Aperçu de l'enquête
L’enquête, menée par Christian Santarossa du Commissariat, a été lancée le 30 novembre 2011. En janvier 2012, l’enquêteur a commencé à recueillir la preuve documentaire, dont des dossiers de courriels et de messages électroniques, des dossiers concernant la dotation et d’autres dossiers du TCDP. Le Commissariat a également retenu les services d’une société d’experts conseils ayant des connaissances techniques et spécialisées en matière de dotation pour examiner 11 processus d’embauche au TCDP afin de dégager toute irrégularité qu’ils comporteraient. Conformément aux exigences de la Loi, le TCDP et son personnel ont volontiers donné accès aux installations nécessaires, fourni les renseignements exigés et donné accès complet à leurs bureaux. Au total, 26 témoins ont été interviewés par l’enquêteur.
Le Commissariat a reçu et examiné des rapports d’autres enquêtes relatives à des plaintes de harcèlement contre Mme Chotalia, qui ont été menées en 2011. Le TCDP avait demandé que des enquêtes soient effectuées relativement à trois plaintes de harcèlement formulées par des employés contre Mme Chotalia. Dans ces rapports, il a été conclu que les allégations de harcèlement à l’égard de deux employés étaient fondées.
L’enquêteur a tenu compte d’un rapport concernant une étude préliminaire menée à la demande du Bureau du Conseil privé, relativement à des allégations générales selon lesquelles, au début de son mandat, le comportement de Mme Chotalia à l’égard de ses employés était abusif et intimidant. Malgré le fait que les renseignements contenus dans ce rapport étaient préliminaires et ne faisaient état d’aucune conclusion, ils concordaient avec l’information soulevée au cours de l’enquête du Commissariat.
Au cours de l’enquête, et après la phase initiale de collecte et d’analyse de la preuve, le sous commissaire a décidé qu’il pourrait y avoir des motifs suffisants de conclure que des actes répréhensibles avaient été commis, lesquelles conclusions seraient susceptibles de nuire à Mme Chotalia. Par conséquent, le 29 août 2012, le Commissariat a envoyé les conclusions préliminaires à Mme Chotalia afin de respecter les obligations que m’impose le paragraphe 27(3) de la Loi de donner toute possibilité de répondre aux allégations d’actes répréhensibles aux personnes à qui ces allégations sont susceptibles de nuire. Mme Chotalia n’a pas répondu à la lettre concernant les conclusions préliminaires. Au moment où les conclusions préliminaires ont été faites, le Commissariat était d’avis que le greffier du Conseil privé devrait également avoir l’occasion de formuler des observations, parce que les allégations concernaient la chef du TCDP, qui avait été nommée par décret. L’occasion de commenter a donc été donnée au greffier du Conseil privé, M. Wayne Wouters.
Bien que Mme Chotalia ait initialement accepté d’être interviewée par l’enquêteur, elle a annulé la première entrevue fixée au 27 avril 2012 et a signalé qu’elle ne pouvait pas participer à l’enquête. Par la suite, le Commissariat a tout mis en œuvre pour permettre à Mme Chotalia de participer à l’enquête, de présenter sa version des faits et de répondre aux allégations faisant l’objet de l’enquête. Mme Chotalia n’a jamais répondu aux autres demandes que nous lui avons envoyées pour qu’elle participe à l’enquête et formule ses commentaires. Compte tenu de la quantité et de la qualité des éléments de preuve obtenus dans le cadre de cette enquête, le sous commissaire a décidé de clore l’enquête, et qu’il serait équitable et justifié de tirer une conclusion selon laquelle des actes répréhensibles avaient été commis.
Mme Chotalia a démissionné en novembre 2012, avant la fin de l’enquête.
Résumé des conclusions
Cas grave de mauvaise gestion
L’expression « cas grave de mauvaise gestion » n’est pas définie dans la Loi. Lorsqu’il enquête sur une allégation de cas grave de mauvaise gestion au sens de l’alinéa 8c) de la Loi, le Commissariat tient notamment compte des facteurs suivants :
- des problèmes très importants, systémiques ou répandus;
- des erreurs graves que reconnaîtrait incontestablement toute personne raisonnable;
- des actes dépassant le simple acte répréhensible ou la simple négligence;
- des actes ou des omissions de la direction qui créent un risque considérable de conséquences négatives graves sur la capacité de l’organisme, le bureau ou la section de remplir sa mission;
- la nature intentionnelle de l’acte répréhensible;
- la nature systémique de l’acte répréhensible.
En l’espèce, les facteurs suivants ont mené à la conclusion selon laquelle la conduite et les gestes de Mme Chotalia étaient suffisamment graves pour constituer un cas grave de mauvaise gestion :
- la nature intentionnelle de l’acte répréhensible;
- la fréquence de l’acte répréhensible;
- les conséquences graves de l’acte répréhensible sur le bien être de ses employés et de ses collègues membres du TCDP;
- le fait que la mauvaise conduite est totalement incompatible avec la confiance que le gouvernement du Canada avait placée en elle à titre de présidente du TCDP;
- les conséquences graves de l’acte répréhensible sur l’intérêt public et la confiance du public à l’égard de Mme Chotalia et du TCDP lui même, dont le mandat est de veiller au respect de la Loi canadienne sur les droits de la personne.
L’enquête a démontré que la conduite de Mme Chotalia constitue un cas grave de mauvaise gestion en raison du harcèlement et du comportement agressif dont elle a fait preuve à l’égard de huit employés du TCDP; du fait que, systématiquement, elle ne tenait pas compte des conseils de son équipe de direction ainsi que de ceux des SPRH du TCDP; et des remarques désobligeantes répétées en milieu de travail.
Harcèlement et abus de pouvoir
- Mme Chotalia a harcelé, de manière répétée, des employés à tous les échelons, en parlant d’eux en utilisant des termes péjoratifs, en mettant en question leurs compétences devant leurs collègues et en diffusant de fausses informations à leur égard en milieu de travail. Lors de réunions et en présence d’autres employés, Mme Chotalia faisait preuve d’une attitude dégradante et humiliante à leur égard. Elle soulevait fréquemment des problèmes de santé personnels des employés, revenait sur le sujet d’un désaccord passé et attribuait à des employés, de manière injustifiée, la responsabilité pour des erreurs commises. Dans certains cas, certaines personnes fondaient en larmes par suite des humiliations qu’elle leur infligeait en public.
- Mme Chotalia a également soumis certains employés à des interrogatoires musclés, leur causant une grande anxiété;
- Mme Chotalia a de même fait preuve de harcèlement et d’abus à l’égard de certains membres du TCDP, qui sont nommés par le gouverneur en conseil, notamment pour présider les audiences du TCDP.
- Mme Chotalia criait souvent des injures à un membre et lui adressait des commentaires diffamatoires, mettant en doute ses compétences et soulevant des questions à propos de sa santé et de sa capacité à travailler en présence d’autres employés. Mme Chotalia a également essayé d’empêcher le membre en question d’interagir avec les employés du TCDP et de contrôler les relations personnelles du membre avec d’anciens collègues, dont des juges et des policiers, en lui interdisant de rencontrer ces personnes, sauf en sa présence.
- Mme Chotalia a également harcelé un autre membre, le critiquant parce qu’il avait parlé aux employés et défendu un employé lors d’une situation de harcèlement en milieu de travail. Mme Chotalia exerçait de la pression de façon inappropriée sur ce même membre pour qu’il rende une décision et lui adressait fréquemment des commentaires condescendants, disant qu’il était « immature » et un « enfant ».
- Il ressort de la preuve et des témoignages que Mme Chotalia a demandé au personnel, sans raison valable, de surveiller un employé pendant ses heures de travail et de lui rapporter les faits et gestes de cet employé. Elle a fait des tentatives répétées pour congédier un employé sans raison valable et a essayé de prendre des mesures disciplinaires contre un employé après son départ du TCDP.
- Il est également établi par la preuve que Mme Chotalia avait, de manière injustifiée, un dossier secret au sujet d’un employé, qui était intitulé [TRADUCTION] « Insubordination de (nom et titre confidentiels) », bien que cet employé n’ait jamais été avisé de l’existence de quelque problème que ce soit.
- Mme Chotalia prenait des mesures vindicatives contre des employés, à tous les échelons, qui ne se conformaient pas à sa volonté ou qui défendaient d’autres employés contre sa violence verbale.
- Mme Chotalia a régulièrement eu des exigences déraisonnables à l’égard des employés, exigences qui n’étaient pas conformes à leurs obligations, telles que le fait de travailler en dehors des heures normales de travail, d’être joignable en tout temps au moyen de leur Blackberry sans rémunération supplémentaire et, dans un cas, d’exiger d’un employé qu’il porte un trousseau de clés de bureau à son cou, malgré le fait que cet employé s’était plaint de l’inconfort et de la douleur que cela lui causait. Mme Chotalia a également demandé à des employés de se rendre au travail alors qu’ils étaient en congé de maladie ou de travailler alors qu’ils étaient en vacances.
- En outre, Mme Chotalia ne s’est pas conformée à la Politique sur la prévention et le règlement du harcèlement en milieu de travail du Conseil du Trésor, qui prévoit que les gestionnaires ont le devoir d’intervenir et de prévenir en ce qui concerne le harcèlement en milieu de travail lorsqu’un employé leur signale qu’il croit être victime de harcèlement.
Mauvaise conduite et remarques désobligeantes
- Il ressort de la preuve que Mme Chotalia se comportait de manière inconvenante devant son personnel en formulant régulièrement des remarques désobligeantes en milieu de travail. Mme Chotalia parlait souvent des difficultés liées à son poste et se plaignait en disant à quel point elle travaillait fort, insinuant que les autres ne travaillaient pas aussi fort qu’elle. En outre, il lui arrivait régulièrement d’appeler certains employés et de leur envoyer des courriels tard le soir, tôt le matin et durant les fins de semaine à l’égard de questions non essentielles ou douteuses.
- Lors du tremblement de terre à Ottawa à l’été 2010, Mme Chotalia a ordonné à ses employés, par l’entremise de son adjointe, de rester à l’intérieur de l’immeuble et elle n’a pris aucune mesure pour répondre aux préoccupations des employés à l’égard d’une évacuation possible de l’immeuble après le tremblement de terre. Mme Chotalia est plutôt allée de l’avant avec sa cérémonie de prestation de serment qu’elle avait elle-même organisée et qui devait se tenir cet après-midi-là, en dépit des exigences en matière de sécurité et des inquiétudes du personnel.
- Mme Chotalia a déclaré qu’elle n’avait pas confiance en ses employés et les a souvent accusés de lui avoir volé des articles, tels que des documents ou des cahiers d’information, lorsqu’elle n’arrivait pas à les trouver. De nombreux témoins ont affirmé qu’elle perdait régulièrement ces articles. Mme Chotalia a également soutenu que le groupe de l’information et de la technologie l’espionnait et lisait ses courriels.
- Mme Chotalia a également formulé des remarques discriminatoires à l’égard de deux employés qui entretenaient une relation personnelle. Elle a fait remarquer qu’il n’était pas convenable que des personnes aient une relation personnelle et travaillent dans la même organisation.
- De nombreux témoins ont confirmé que Mme Chotalia leur avait expliqué que l’enquête menée par le Commissariat était un complot tramé contre elle. Mme Chotalia avait également fait part de ce sentiment à l’enquêteur au début de l’enquête et lui avait précisé que la raison de cette enquête ne tenait qu’au fait que [TRADUCTION] « J’ai été choisie par un gouvernement conservateur, je suis une femme au teint basané originaire d’Alberta et les syndicats veulent me destituer ». L’enquête n’a révélé aucun élément de preuve susceptible d’étayer la théorie de Mme Chotalia.
Absence de considération des conseils du personnel et des SPRH
- Il a été établi par la preuve que Mme Chotalia n’a pas tenu compte de conseils essentiels adressés par son personnel ou par les SPRH, ce qui a possiblement perturbé l’environnement de travail et mis en péril la capacité du TCDP à accomplir son mandat.
- Mme Chotalia ordonnait régulièrement à ses employés d’accomplir des tâches qui allaient à l’encontre de conseils adressés par son équipe de direction et fondés sur la politique du gouvernement. En réaction aux protestations soulevées par son équipe de direction, Mme Chotalia disait souvent qu’elle n’était pas au courant des conseils qui avaient été formulés antérieurement ou feignait l’indifférence en ne répondant pas aux membres de l’équipe ou en leur adressant un petit sourire narquois.
- Une fois, Mme Chotalia a ordonné à son personnel de ne pas annuler un voyage à destination de Vancouver en vue d’une session de médiation, même si les parties avaient déjà conclu une entente. Mme Chotalia a malgré tout quand même ordonné à ses employés de demander aux parties de se présenter à la séance de médiation prévue. Bien que le TCDP n’ait pas réussi à communiquer avec les parties, Mme Chotalia a néanmoins pris l’avion pour Vancouver où elle a embarqué sur un vol à destination de San Diego pour un voyage personnel qui était déjà prévu.
- Mme Chotalia a régulièrement ignoré les conseils des SPRH concernant le traitement de griefs et une possible médiation pour résoudre des conflits en milieu de travail. L’incapacité de Mme Chotalia de régler ces conflits a donné lieu à une plainte soumise par trois syndicats au ministre de la Justice.
- Mme Chotalia adressait souvent des demandes irréalistes aux SPRH, parfois à des heures anormales, telles que le fait de vouloir que les employés du TCDP ne soient plus syndiqués ou d’engager un employé occasionnel en quelques heures. En réaction à l’explication selon laquelle il était impossible de répondre à ces demandes, Mme Chotalia faisait observer qu’elle avait le droit d’obtenir que ces exigences soient respectées, étant donné qu’elle était administratrice générale.
Conclusion
L’information recueillie au cours de l’enquête a révélé que Mme Chotalia a commis un acte répréhensible au sens de l’alinéa 8c) de la Loi pour les raisons suivantes : elle a régulièrement et de façon répétée harcelé les employés et les membres du TCDP et s’est comportée de manière abusive à leur égard, elle s’est comportée de manière inconvenante, elle a formulé des remarques désobligeantes en milieu de travail et elle a ignoré des conseils essentiels adressés par son personnel et par les fournisseurs des SPRH du TCDP.
Recommandation du commissaire et réponse du TCDP
Les conclusions du sous commissaire selon lesquelles des actes répréhensibles ont été commis visent uniquement Mme Chotalia; néanmoins, il incombe aussi à toutes les personnes concernées de veiller au bien être des employés et à l’efficacité des activités du TCDP.
Par conséquent, la recommandation que je formule est fondée sur les conclusions du sous commissaire et vise à aider les employés et les membres du TCDP qui ont été lésés ou touchés de toute autre manière par la mauvaise conduite de l’ancienne présidente. Je suis satisfait de la réponse fournie par le président par intérim à l’égard de ma recommandation.
Nous recommandons que le président du TCDP, en collaboration avec les employés et les agents négociateurs, évalue la nécessité d’une initiative sur le mieux être en milieu de travail et la mise en œuvre de moyens pour soutenir les membres du personnel qui ont fait l’objet d’abus de la part de l’ancienne présidente afin de favoriser un milieu de travail sain.
Le président par intérim à déclaré qu’il était d’accord avec cette recommandation.
Le Commissariat n’a pas examiné le processus par lequel Mme Chotalia a été choisie pour occuper le poste de présidente, ni examiné de manière générale le processus de nomination de titulaires de charges dans le secteur public fédéral. Les actes des hauts dirigeants peuvent avoir des conséquences importantes sur ceux qui relèvent d’eux et sur la confiance du public à l’égard des fonctionnaires et des institutions publiques. Par conséquent, je souhaite souligner au gouvernement l’importance d’utiliser des outils pour évaluer de façon systématique les renseignements concernant les comportements et l’attitude de candidats éventuels à être nommés par décret à l’égard de leurs subordonnés avant de procéder à la nomination d’un administrateur général ou d’un premier dirigeant dans le secteur public fédéral.